Jour 24 - Soir


Dans les derniers jours il a plu, fait froid et humide, et aujourd’hui il a fait chaud et il n’a pas plu de ma journée de vélo (seulement le matin avant que je ne parte).

Il y a 2 jours, j’ai passé le Oberalppass et j’ai descendu dans les nuages, le brouillard et le froid humide pénétrant un 600 mètres de dénivelé sans rien voir du tout, parfois pas à plus de 20 ou 30 mètres devant moi, en roulant à 45 ou 55 km/h, sans pédaler.  J’étais glacé, transi, en arrivant à Andermatt, la ville après le col.  De plus, avec ce nuage est venu la pluie et elle n’est pas repartie.  À 1450 m d’altitude, la pluie et l’humidité faisaient froid.

À l’épicerie je me suis arrêté longtemps devant la section des pains, devant le four, pour essayer de me réchauffer un peu (et je ne suis pas resté longtemps à choisir un fromage!).

J’ai continué, ne pouvant rien faire d’autre.  Il commençait à se faire un peu tard (16h00), et je suis arrivé devant le début du col suivant, le Furkapass, qui monte à 2400 mètres, toujours transi quoi que un peu moins froid car je roulais.  Mais il pleuvait toujours, j’étais humide à souhait et je ne pouvais pas monter le 1000 mètres de dénivelé cette journée, c’est certain, et la température ainsi que la météo n’annonçaient aucune amélioration immédiate, ni dans les prochains jours.  Si je débutais l’ascension, j’allais vers le plus froid encore, avec l’altitude.

Je suis allé m’asseoir quelques minutes dans une église (je fais souvent cela, où que je soie), et ce que je devais faire était clair pour moi :  J’allais prendre le train qui passe sous la montagne, de Realp à Oberwald, 1000 m en-dessous du col.  Il y en avait un qui partait dans 30 minutes.
Je ne suis pas là pour le défi sportif ou pour battre des records.  Passer ce col à vélo, coûte que coûte, n’aurait pas été plaisant ni agréable.

Ça m’a coûté 12 Francs (mettons 10$CAN ou 7,25 €), je suis monté dans le train à vélo, y suis descendu à vélo (c’est un train pour voitures) et ça m’a donné un raccourci d’une journée, peut-être deux.

De l’autre côté, à partir d’Oberwald, j’ai continué, la température était un tout petit peu meilleure (il a cessé de pleuvoir pendant peut-être 1 heure, le temps de monter la tente et de me faire un souper que j’ai mangé dans la tente).  En me retournant, j’ai vu que les parties supérieures des montagnes, à partir de seulement 200 mètres plus haut que moi, étaient maintenant couvertes d’une mince couche de neige.  La pluie qui tombait sur moi tombait en neige bien en bas du col.

Le lendemain, vers midi, étant descendu encore plus bas j’ai vu un panneau indiquant qu’il faisait présentement 13 degrés.  Ça a monté à 17 (et mes couches de vêtements s’en allaient dans mon sac) plus tard dans l’après-midi, après quelques autres centaines de mètres d’altitude perdus.

Hier je suis resté au monastère (couvent) des Bénédictines (en fait des Cisterciennes) à Sierre.  C’est la Suisse française qui commence.

J’arrivais au bout de ma journée de vélo, maintenant plus chaud, et j’ai vu, au loin sur le sommet d’une colline rocheuse, en plein milieu de la vallée, une vieille église et les bâtiments d’un monastère aux alentours.  L’endroit avait l’air très beau, reculé et accueillant, alors l’idée est naturellement venue que cela serait un bel endroit pour y mettre ma tente.  Mais c’était un peu hors de mon chemin.  100 mètres plus loin, un panneau m’indique "Monastère des Bénédictines" avec une flèche à gauche, vers un petit chemin qui monte.  J’hésite un peu, et puis j’y vais.  C’est là que je dois aller.

À un croisement de chemin je rencontre le père Martin (pour ceux qui ne le savent pas, mon nom de famille est aussi "Martin"), très gentil, qui loge au couvent et m’encourage à aller y demander l’hospitalité.  C’est jour de fête au couvent (et dans le monde chrétien), c’est demain la St-Benoit.  Je ne savais pas.  (St-Benoit semble quelqu’un d’assez important pour les moines et moniales.  Il fut l’instigateur de la règle monastique et est le saint patron de l’Europe.)
Je suis très bien reçu, juste à l’heure pour le souper et le début de la fête (les fêtes débutent la veille).

J’ai mangé le meilleur repas que je n’aie eu depuis 3 semaines - un repas tout de même simple, mais très bon et bien plus élaboré que ceux que j’ai d’habitude.
J’ai soupé avec le père Martin, Suisse-allemand, Thérèse, Égyptienne, Nicoletta, Suisse-italienne et Camille, séminariste polonais.

On me donne une chambre et je peux faire sécher toutes mes choses humides.  (En quelques minutes la chambre se remplit du chaos de tous mes bagages ouverts séchant partout où je peux accrocher quelque chose.  Même ma batterie de panneau solaire devait sécher, le sac s’était rempli d’eau, mes sacs à vidanges de protection s’étant percés avec les jours.  C’était la 2e fois que cela arrive - mais tout fonctionne encore.)

Ce fut très agréable de parler avec le père Martin.  Il est très ouvert et a été très intéressé par mon voyage, les projets que je fais et la vie que je mène.  Je dois dire que cela m’a agréablement surpris.  C’est assez rare (malheureusement) qu’une personne de l’Église approuve la quête spirituelle de quelqu’un s’il "ose" s’intéresser à d’autres religions, s’intéresser au bouddhisme, à l’hindouisme, au soufisme ou au judaïsme, s’il parle de dialogue interreligieux ou si, tout simplement, il ne croit pas que la religion chrétienne, telle que définie par l’Église, est la seule voie menant vers Dieu.
Il parlait de tolérance, le père Martin.  Il reconnaissait que la voie (la religion) d’un autre pouvait ne pas être la sienne, mais était tout de même aussi bonne.  C’est rare est c’est très précieux de rencontrer quelqu’un comme cela.

J’ai parlé un peu avec une soeur de couvent, soeur Catherine, qui avait les yeux pétillants et l’esprit très vif, très éveillé.  Beaucoup plus présent que la majorité des gens qu’on peut rencontrer.  Elle avait 52 ans, et était entrée au couvent à 19 ans.
Ils vivent leur vie majoritairement dans le silence.  C’est bien.

Les chants des soeurs durant la messe et les offices étaient très beaux à entendre.  L’église était blanche et lumineuse à l’intérieur, toute simple.

Laisser un commentaire

http://www.2500km.com/?p=35

Désolé, vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.